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1er place du Best of CR 2012
Templiers 2012: froid, désespoir et renaissance

récit course à pied

Auteur: Ymeguira - 118 pts

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J'ai tendance à vivre intensément tout ce que je fais, veuillez donc excusez un peu le caractère enflammé du CR. J'ai essayé de le rédiger en décrivant au plus prêt les émotions que j'ai pu ressentir pendant la course, forcement déformé par ma perception et par l'effort... Il y a eu 2000 finishers ce dimanche, et seulement 300 abandons. La difficulté est à donc à remettre en perspective.... Le texte est un peu long mais j'ai essayé de le rendre agréable à lire.

Si vous souhaitez une analyse plus technique des difficultés du parcours, des ravitaillements, je serai heureux de la partager avec vous dans les différents posts plus bas.

Il est 5h15 ce dimanche 28 Novembre. Il fait froid ce matin, sur le bord du Tarn à Millau. La nuit n’est pas terminée mais a déjà laissée autour de nous un fin manteau de gel et de petits flocons de neige. J’écoute cette histoire concernant le berger des causses. « Prenez le temps d’écouter le bruit du vent. Prenez le temps de comprendre la beauté du grand Causse. » La musique d’Era retentit. Une immense émotion s’empare de moi. Des fumigènes rouges s’allument et guident notre chemin. J’ai imaginé cet instant mille fois. Je l’ai attendu ardemment. J’ai pensé de nombreuses fois ne pas pouvoir être ici ! Je suis heureux d’être là. Je ferme les yeux.

La préparation

Nous sommes le samedi 20 Novembre 2011. Demain est un grand jour. Après 5 mois d’entrainement, je m’aligne enfin sur ma première course officielle : Le marathon des Alpes Maritimes. J’ai un peu le trac, mais je fais confiance à ma préparation. Elle devrait me permettre d’aller au bout si je me tiens à mon plan de route. La soirée au restaurant est des plus agréables. On discute de la course du lendemain, mais également de ce trail qui m’impressionne tant : La Grande Course des Templiers. Ils seront deux dans une semaine exactement à s’aligner au départ de ce mythe. « 72km ??? SOIXANTE DOUZE KM ??? » Je pense alors qu’ils doivent être un peu fou, de se lancer dans pareil périple. Je lance en riant « Si je survie à demain, je vous accompagne l’année prochaine ! » Tout le monde rie, moi le premier. Le petit nouveau du groupe ? N’ayant même pas encore franchit une seule ligne d’arrivée ? Qui sait ?

Le souffle se fait court... La tête me tourne. Mon estomac ne me laisse pas tranquille. J’en termine enfin avec cette dernière montée qui n’en finit plus. 45 minutes exactement pour me hisser en haut de ce dernier obstacle. J’entends alors la voix du speaker en bas dans la vallée. Un coup d’œil à ma montre, et je m’aperçois que les 5h de course viennent de passer. Je peux descendre sous les 5h30 si je conserve un bon rythme ! Le chemin est très caillouteux, mais mes appuis sont sûrs. Je glisse dans la boue en ce début du mois d’Avril, dans le brouillard typique de cette vallée des Pyrénées. Je descends, Je vole. Rapidement, presque en rappel, accroché à cette corde qui me guide vers cette ligne tant espérée. Un dernier sprint et c’est la délivrance. 5H15 ! CINQ HEURE QUINZE ! Je suis heureux ! Je m’assoie à même le sol et embrasse ma petite femme. J’ai terminé ! J’ai vaincu ces Citadelles, et leurs 2000m de dénivelé !

Le choc est sourd, rapide et douloureux! Soudain le silence se fait. Les bruits sont étouffés, je cherche du regard la surface. Je retrouve enfin l’air libre et laisse échapper un cri de douleur en aspirant de nouveau cet oxygène vital… « Ça va ? », me hurle-t-on depuis la rive. « Pas terrible… Je pense que mon genoux en a pris un coup »… 24h plus tard, le verdict aux urgences de Montpellier est sans appel : entorse du ligament interne, 2 semaines d’immobilisation au minimum, et 2 mois d’arrêt du sport… Nous sommes le 22 Juillet. La prépa pour l’Ubaye, ses vallées, ses arrêtes, tombent à l’eau. Je ne verrai pas le célèbre chapeau du gendarme cette année.

Il fait beau en ce matin du dimanche 14 Octobre. Il est 10h00, et j’observe le soleil se refléter sur la Méditerranée. Le panorama est superbe depuis le point culminant du massif de la Clape. Les sensations sont excellentes ce matin, à deux semaines du grand événement. Après 6 semaines de larmes, de sueur, et de torture chez le kinésithérapeute, j’ai enfin repris le chemin de ces pistes de pins et de pierre que j’aime tant. La reprise fut compliquée… Tant de séances catastrophiques, de douleurs, de ratios plus bas que terre… Le corps oublie vite la répétition des efforts. Il cherche de nouveau ses repères, ses sensations, son souffle. 12 semaines après mon entorse, je me sens enfin prêt. Prêt à affronter ces causses, et leurs montées abruptes. Je bascule rapidement de l’autre côté du versant, sur ce pierrier parcouru mille fois. Le pas est léger, l’allure rapide, trop rapide. J’ai l’impression de voler, toutes ces séances de proprioception doivent avoir payé. Trop de confiance n’est jamais bénéfique. « CRAC ! » Une douleur vive me saisit. Je chute. Non ! Ce n’est pas possible. Pas maintenant ! Pas si près du but après tous ces efforts! Ma cheville n’a pas tenue. Elle a vrillée. Mon corps m’abandonne de nouveau...

Millau – Peyreleau: Joies et Euphorie

récit course à pied

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Ces images, ces sons, ces douleurs me reviennent en tête. Je jette un coup d’œil à cette cheville enveloppée dans cette protection de néoprène et d’élasthanne. Vais-je supporter cette chevillière durant toute la journée ? Peu importe. Je suis ici, maintenant, heureux de pouvoir dérouler mes premières foulées. Je suis un privilégié. Je le ressens comme tel. Le vent est mordant, mais rien ne m’arrêtera aujourd’hui. J’ai laissé Sylvain, ayant passé la soirée avec moi, à l’entrée du sas. Je ne le reverrai que sur la ligne d’arrivée, si tout se passe bien pour nous deux.

Ces premiers km sont magiques. Je souris, et sens l’air froid m’envelopper. Les bandes fluorescentes de ces trailers qui m’entourent se réfléchissent dans le halo de ma frontale. Je ferme plusieurs fois les yeux, et tente de reprendre le contrôle de mes émotions afin de rentrer dans ma course. La journée va être longue, et il est temps de se reconcentrer…

Heureusement, la première difficulté de la journée arrive rapidement et me permets de revenir ici et maintenant. Je maintiens une bonne foulée sur cette route en faux plat nous amenant au village de Carbassas. Il est moins de 5h et demi, et déjà du monde s’est amassé sur la place du village pour encourager les coureurs.

J’attaque la montée en marche rapide. Ma cheville ne me fait pas trop souffrir, et mon cardio reste tranquille. Le vent souffle fort dans la nuit noire, et les lumières de Millau nous apparaissent au fur et à mesure que le chemin s’élève. Après 45 mins d’effort, nous atteignons enfin le plateau du Causse Noir, étendu parfois désertique et balayé par le vent, parfois accueillant dans la chaleur de ses fermes typiques cachés dans ces massifs forestiers.

La vue est magnifique, et les sensations sont toujours bonnes. Nous alternons passage en sous-bois, dans des forêts de résineux, et clairières dégagées et balayé par le vent. Il fait froid, mais mon corps s’est réchauffé sous l’effort. Le sol a gelé pendant la nuit, et nos frontale éclairent ces épines glacées par le froid, créant des milliers de points lumineux.

Je conserve un bon rythme aux alentours des 5’30/km, en me concentre sur mes sensations. Le cardio est un peu élevé, mais les jambes sont bonnes. Je suis entré dans ma course. De nombreux coureurs me doublent, mais l’objectif d’aujourd’hui est ailleurs. Je sais qu’il me faudra m’économiser afin d’arriver au bout de ce périple. Je conserve cependant une allure soutenue, au vue de la distance restante à parcourir. Je ne le réalise pas immédiatement, mais je transpire abondamment sur cette première partie de parcours. Les passages en sous-bois nous offre une bonne protection contre les éléments, amenant ma température corporelle à s’élever progressivement. Je suis trop couvert, et cela va bientôt m’être fatal…

J’attaque alors la première descente tambour battant, à plus de 14 km/h. Cette dernière n’est pas trop technique est nous permets de dérouler facilement. Ce sont néanmoins mes premiers mètres de dénivelé négatifs depuis cette entorse, il y a maintenant deux semaines. Et je ressens alors que ce qui est d’habitude mon point fort s’est transformé en point faible. Mes appuis ne sont pas sûrs. Je manque de relâchement. J’amorti beaucoup trop grâce à mes quadris et ne me penche pas assez en avant. Il faut dompter la pente, et ne pas la craindre. La repousser décuple les efforts. La laisser nous emporter au contraire la rends plus supportable. Mais je ne souhaite pas me laisser prendre aujourd’hui. Les genoux commencent déjà à être légèrement douloureux après ces premiers 600m dénivelé. Je sais que la course n’a même pas encore commencée. Je dois absolument me relâcher

J’atteins le premier ravitaillement à Peyreleau après 22km et 2h15 de course à la 523ème position. J’ai 15 mins d’avance sur mon plan, et je prends alors mon temps pour me ravitailler. J’appelle mes proches qui m’attendront au deuxième ravitaillement 12 km plus loin. « Couvrez-vous ! Le temps est difficile ce matin ».

Peyreleau – St André de Vézines: Sensations glaciales

Je commence à avoir froid, et je peine à utiliser mon téléphone portable. Le jour s’est désormais levé, mais les quelques minutes passées immobile m’ont considérablement refroidi. Les températures sont toujours négatives, et les 80km/h de vent n’améliorent pas vraiment mon ressenti… Je dois repartir et retrouver un rythme décent afin de me réchauffer. Malheureusement, la deuxième ascension est réalisée lentement. Trop lentement. Je me rassure en me répétant que l’énergie conservée ici me sera bien utile sur la fin de la course. Nous sommes en ligne les uns derrière les autres et montons sur un single boueux alternant passages très raides, et courtes relances. Aucun bouchon à déplorer mais je ne monte pas au rythme que je souhaiterai.

Nous atteignons enfin le Causse Noir de nouveau pour 10 km de singles nerveux. J’ai de plus en plus froid, et mes mains sont douloureuses malgré un équipement adéquat. Mes gants en Windstopper sont censés me protéger du vent. Je ressens pourtant de plus en plus l’engourdissement me prendre. Les sensations se dégradent, et je me surprends même à marcher sur des faux plats où il est largement possible de maintenir l’allure. Le moral chute lui aussi vite que ma vitesse. Le paysage est magnifique, mais il se fait également désertique, à la merci des éléments. « Ecoutez le bruit du vent », nous conseillais le berger. Je crois un instant comprendre alors le causse : beau, mais également dur, rustique et sauvage. Le causse ne se donne pas facilement. Il se mérite. L’humidité de ma première et deuxième couche s’est transformée depuis quelques minutes en une couche glaciale. Des lames me transpercent de part en part. J’ai froid, seul dans ces prairies d’herbe grise et de gel…

34ème Km. Village de St André de Vézines. 3h44 de course et actuellement 629ème. J’arrive en tremblant au deuxième ravitaillement. J’ai désormais une demi-heure d’avance sur mon plan de route. J’y retrouve un préau empli de coureur agars, à la merci des éléments et balayé par le cent. Ma famille n’est pas encore là. J’enlève difficilement mes gants, et tente de trouver ce numéro dans mes contacts. En vain, la technologie m’abandonne, mon téléphone mobile ne parvenant pas à capter de réseau. Je commence à trembler de plus en plus. Je perds en lucidité, et perds l’un de mes gants dans la foule. Je ne sens plus mes doigts, et souffle violemment dans mes mains pour les réchauffer.

« Yann ! Yann ! ». Gaetan et sa compagne sont là. C’est lui qui nous avait accompagné un an auparavant à Nice, et m’avait pour la première fois parlé de ces Templiers. Lui pourtant si aguerri, et si expérimenté, a choisi de jeter l’éponge. Il est sous le coup de problèmes gastriques depuis Peyreleau, et préfère s’arrêter là. Il sauvera finalement ma course, en me prêtant l’un de ses gants et en m’ordonnant de repartir. Il constituera également un atout de poids, m’encourageant plus tard et me prodiguant ses conseils sur plusieurs parties du parcours.

J’ai de plus en plus froid, et je pense désormais à l’abandon. Mon assistance arrive enfin. Après 20 mins à tergiverser sur ma capacité à repartir, je quitte alors St André. Ils m’ordonnent de continuer. Je ferme les yeux, et repense de nouveau à tous les efforts consentis, à toutes ces sorties difficile. Je repars, recouvert d’un nouveau bonnet, et d’une imposante polaire pas vraiment adapté à la course à pied. Je n’ai pas vraiment fier allure, emmitouflé comme cela dans ce qui semble être des vêtements trop grand pour moi. Je tremble comme une feuille. Je me reprends, et décide d’essayer de rejoindre La Roque St Marguerite à 9km de là.

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St André de Vézines – Pierrefiche: Désespoir, puis Renaissance

D’après les récits des années précédentes, les vraies difficultés devraient bientôt commencées. Cela fait désormais 4h05 que j’ai quitté Millau. Nous attaquons un long sentier longeant les falaises de la Dourbie et qui va nous mener jusqu’au chaos rocheux de Montpellier le Vieux. Le parcours est de plus en plus beau, mais j’ai pour l’instant du mal à en profiter. Je ne domine pas le parcours, je le subis. Nous approchons de ce lieu unique et ma concentration diminue lentement. Le soleil fait enfin son apparition. Je peux sentir ses rayons me réchauffer peu à peu.

« CRAC ! ». Une violente douleur me saisit de nouveau à la cheville. Une pierre s’est dérobée sous mes pas. La douleur m’étreint, et je m’arrête pour vérifier mon articulation. Elle parait touchée, et j’ai quelques difficultés à marcher. La peur me prend de nouveau. Et si je ne terminai pas ? Et si je finissais là, seul, au milieu de ces roches aux formes improbables ? Je repars en claudiquant doucement, sans chercher à relancer. De nombreux coureurs me doublent et me demandent si tout va bien. Je hoche la tête lentement, et tente de reprendre pied. Il me reste moins de kilomètres pour descendre sur la Roque St Marguerite, que pour retourner à St André de Vézines… La douleur diminue doucement, et je me prends à reprendre espoir.

La descente est par contre une torture. La cheville est douloureuse, mais à l’air de tenir le coup. J’essaie de descendre de profil, en laissant ma jambe droite en amont de la pente afin d’éviter toute torsion dans le mauvais sens… Mais le terrain est en dévers, et a été rendu glissant par les intempéries des derniers jours. Le sol gelé a laissé place à une boue pâteuse rendant la progression difficile. Je continue comme je le peux, mais les quadris commencent à tirer de plus en plus. Les appuis se font fuyants, et je suis de plus en plus crispé. Je dérape plusieurs fois, et m’étale de tout mon long. Qui a dit que le bitume n’était pas agréable ?

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J’arrive enfin à Roque Sainte Marguerite et retrouve mon assistance. J’ai maintenant chaud, et je leur laisse donc la polaire et le bonnet. La cheville a tenue sur la descente… Leurs encouragements me font du bien. Ils me boostent et me remontent le moral. C’est peut-être difficile à comprendre, mais leur soutien est essentiel pour moi. Il me permet de continuer, lentement, de ravitaillement en ravitaillement. Je cours depuis 5h30, et j’ai déjà fait un peu plus de 43 km. Je réalisé alors que je viens de dépasser mon plus long temps de course, ainsi que ma plus longue distance. Je fais le point sur moi-même : les quadris tirent fort mais je suis entier. La cheville est toujours en place, maintenue fermement. L’envie de continuer est là. Je resserre les straps autour de mon articulation douloureuse et repars sous leurs holas !

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La montée sur le Larzac est vraiment très difficile, et ce terrain gras n’améliore pas la progression. Je lance une playlist que j’avais préparé pour les coups de mou. Les premiers beat de C2C se font entendre, et je laisse la musique m’envahir. Les départs de crampes se font plus fréquents, et je tente de bien m’hydrater pour les limiter. Mais étrangement, je parviens à maintenir mon effort en reprenant même quelques coureurs. Si le froid, et une nouvelle entorse ne m’ont pas arrêté, rien ne m’arrêtera désormais

Pour la première fois depuis ce matin, je commence à croire en l’arrivée. Avec cette préparation tronquée, je m’étais préparé à l’abandon. Non par manque de motivation, mais parce qu’il est plus simple de lutter contre un ennemi envisagé. Je visualise le portique en bois, et m’imagine passer cette ligne. La joie me prends soudain violemment, et je commence à sourire. Je ne ressens plus la fatigue, et seule l’envie d’arriver au bout me guide. C’est étonnant comme un ultra peut être fais de moments difficiles, mais également de moments d’euphories. Je me surprends à relancer en petite foulée sur le faux plat montant en haut de la côte. Tout devient alors simple, et mes jambes semblent soudain de nouveau légères.

Pierrefiche – Le Cade: Motivation

J’atteins le troisième ravito au 50 ème km, après 6h16 de course. Je suis désormais en 836ème position. L’hypothermie et cette entorse m’a fait perdre beaucoup de temps, mais je suis désormais regonflé à bloc. Mon assistance n’est pas là, et mon portable ne capte toujours pas dans cette ferme perdue au milieu de ce plateau. Je décide cette fois de ne pas faire la même erreur et repars rapidement pour ne pas me refroidir. Le parcours se fait de plus en plus usant, et ne propose guère plus de section de répit. Nous alternons montées sèches sur le Larzac, et singles en relance.

Le chemin se fait subitement moins large, et la pente s’accentue. J’attaque prudemment la descente dans les gorges de la Dourbie. Je concentre toute mon attention sur les quelques mètres devant moi, en priant ne pas me blesser de nouveau. J’en suis désormais certain. J’atteindrai la ligne d’arrivée si ma cheville tient le coup ! Après 7h de course, cela devient difficile pour tout le monde. C’est maintenant que ma préparation doit payer. J’ai confiance en mes capacités mentales. Le moral prend le dessus, et je continue à lentement reprendre les coureurs devant moi.

Seulement 22km me sépare de cette délivrance, pour environ 4h de course d’après mes estimations. 4h pour faire 22 km ? Je me demande alors comment est-ce possible. Cette descente me fournira une première partie de la réponse. Plus raide. Plus technique. Plus difficile. Je descends en petite foulée, toujours de profil par rapport à la pente. Les crampes se font désormais réellement sentir, et je dois m’arrêter plusieurs fois pour m’étirer. Je maudis ma cheville, mais reste concentré.

S’en suis alors un single le long de la falaise, très étroit, ou l’on alterne petite foulée, marche rapide et relance. J’avance doucement, la pente raide menant au fleuve de la Dourbie sur ma droite. La difficulté consiste à maintenir un rythme sur ce petit chemin en dévers, ma cheville ayant tendance à déraper un peu dans le sens de la pente. Ce chemin me parait interminable. Je visualise la blessure, comme une épée de Damoclès oscillant au-dessus de moi, prête à frapper sans prévenir. Cela me parait incroyable, mais j’attends la dernière montée sur le Causse Noir avec impatience. Il me semble préférable de souffrir en montant de face, que de déraper comme cela sans cesse…

Une dernière montée très raide de 150m, une dernière descente technique, de nouvelles crampes et nous voilà à Massebiau au bout de 8h20. La foule est amassée pour nous encourager, et leur ferveur me donne du baume au cœur. Je recroise Gaetan, qui est venu en ce point nous encourager. Il sait que les 10 derniers km vont être difficiles, et que tout se jouera sur ces 3 dernières heures. « Concentre toi, et monte progressivement. Ne sois pas étonné, car cela grimpe très fort sur la première moitié, mais la pente s’adoucit après. Et ne donne pas tout lors de cette montée, car tu vas redescendre sur presque 300m pour remonter sur le single le plus difficile de ta vie ! » J’essaie de répondre, de le remercier, mais j’ai du mal à parler en commençant cette ascension.

Et effectivement, ces 3 prochains km furent très difficiles. Mes jambes brulent, mon souffle est court. Je pousse tant bien que mal sur mes jambes, les mains posées sur les genoux. Ne pas s’arrêter. Ne pas couper le rythme. Avancer, cout que cout. De nombreux coureurs sont arrêtés sur le bord du chemin. Je ne réfléchis pas. A quoi bon réfléchir ? Le salut par la souffrance. Je repense alors à ces vidéos d’athlètes dans l’effort. Ce n’est facile pour personne, du premier au dernier. Il me reste de la volonté. Je jette un coup d’œil au cardio, et constate que ce dernier refuse désormais de monter au-dessus des 80%. J’ai beau tenté d’accélérer comme sur la plus difficile de mes séances de VMA, le cœur stagne à 145.

J’atteins enfin le haut de l’avant dernière ascension après 1h de douleurs. Je suis heureux. Plus qu’une difficulté, et l’arrivée sera là. Après quelques minutes sur un chemin en sous-bois, j’atteins la ferme du Cade pour le dernier ravitaillement.

Ferme du Cade – Arrivée: Délivrance

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Il est 14h30 lorsque j’arrive dans cette ferme perdue dans les bois. J’ai remonté un peu plus d’une cinquantaine de coureurs et ai suis désormais 767 ème. Mon assistance m’attend de nouveau ici, avec une recharge en barre énergétique et autre friandise. La caméra de Sport + semble apprécier la scène, et se mets à tourner autour de ma compagne et moi. Un bisou salvateur pour la route, et je repars sans tarder. Je recharge mon camelback avec 1L d’eau, et m’engage sur la dernière partie du parcours. « Rendez-vous en bas dans 1H30 », leur dis-je en souriant en quittant le ravitaillement. J’ai le sourire. Je sais que la fin est proche.

J’accélère sur les faux-plats nous menant à l’avant dernière descente du parcours. Je connais ce passage pour l’avoir reconnu il y a plusieurs semaines, et cela décuple mes forces. Je cours sur ces chemins à presque 11 km/h, comme si la course venait de commencer.

Nous attaquons alors une nouvelle descente, encore une fois très technique. La fin du parcours est effectivement bien plus difficile que les 40 premiers kms. Je m’accroche aux arbres et aux branches, mais ne peut éviter quelques chutes et dérapages non contrôlés. La cheville tient toujours le coup, et le moral est au beau fixe. Nous débouchons alors sur la corniche, et pouvons apercevoir Millau juste sous nos pieds. Je pourrais presque entendre la voix de Michel Hortala, féliciter les coureurs passant la ligne d’arrivée.

Après quelques dizaines de mètre à longer la paroi, de la rubalise nous barre la route. Est-ce une erreur ? Je regarde alors à droite et constate qu’une file de coureur remonte la corniche droit dans la pente. Comment est-ce possible ? Il n’y a pas de chemin ici pour monter au Puncho d’Agast, aire de Parapente surplombant Millau.

Je m’élance alors sur la dernière difficulté du parcours, 300m de montée digne d’un km vertical. La pente doit avoisiner les 30% de moyenne sur ce passage, avec certains passages à prêt de 40%. La progression est lente, difficile. Les crampes ne me lâchent plus. Je choisis mes appuis avec parcimonie, de peur de glisser, en posant d’abord les mains sur ces effleurements rocheux. Ce n’est pas de l’escalade, mais l’on en est pas loin… C’est définitivement l’ascension la plus difficile qu’il m’a été donné de faire. Je prends mon temps. Si près du but. Si prêt du rêve…

15H30, j’atteins enfin le Puncho d’Agast après 10h15, titubant mais heureux. Le vent nous frappe alors de toute sa force. Je courbe le dos et avance lentement. Puis c’est bientôt la grotte du Hibou, si célèbre pour son passage éclairée par les lampes des bénévoles. « Dans 30 minutes vous êtes en bas », me crie l’un d’eux.

Je tente de me rappeler cette dernière descente, afin de pouvoir la décrire du mieux possible. Mais aucune image ne me revient. Seulement des sensations, et une vraie euphorie. Elle fut là encore technique et raide. Mais elle fut également magique. Je regarde ma montre et constate que je passerai sous les 11H de course. La pente s’adoucit alors, et toutes les douleurs s’envolent brutalement. La fatigue a disparue.

Je parcours à grande enjambées les derniers lacets m’amenant au village de la course, quelques centaine de mètres plus bas. Je vole à prêt de 15 km/h, comme si je prenais le départ d’un 10 km. La musique retentit. Un dernier virage à droite, et je peux enfin voir le portique ne bois à quelques centaines de mètres.

La foule m’attrape alors. J’entre dans le village, entre les barrières formant un chemin vers cette ligne d’arrivée tant de fois visualisée. Mes proches sont là et m’encouragent, hurlent ! Je serre le point. Je l’ai fait. JE L’AI FAIT ! Je passe sous le portique au bout de 10h49 de course à la 729ème place et tombe alors à genoux. L’émotion m’envahit. Je ferme les yeux. Je suis heureux. Heureux d’avoir vécu cette aventure. Heureux de l’avoir partager avec mes proches. Je repense à cette année riche en émotion. Je repense à tout ce chemin parcouru. Je pense à ceux qui m’ont soutenu tout au long de cette journée. Je pense à vous, sur ce forum, qui m’a encouragé dans les moments les plus difficiles. Une larme coule sur ma joue. Finisher des Templiers…

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