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récit course à pied


Best of CR 2011 - 2nd place - Marathon de Berlin: le miracle


Auteur : Nabulio - Sé.B - 97 pts

 

La préparation : Catastrophique

 

En préambule de mon compte rendu, il me faut revenir quelques temps en arrière. Tout d’abord afin d’aborder dans les meilleures conditions ce marathon et après en avoir couru deux dans mon humble carrière, je suis le plan de 14 semaines à raison de 4 séances hebdomadaires. Tout se passe bien jusqu'à la fin de la 11ème semaine soit le 4 septembre où à l’issue de la sortie longue de 2H20 je ressens des douleurs lombaires assez intenses. Le dimanche sera d’ailleurs très pénible. Nous sommes à exactement 21 jours du marathon mais je ne m’inquiète pas pour autant. Pourtant le lendemain j’ai toujours aussi mal et je décide de consulter le médecin puis je fais des radios qui ne révèlent rien d’anormal. Je retente de courir le mercredi, mais au bout de 3 km les douleurs se réveillent. Là, je ne prends pas encore conscience de la situation. Après tout, cela ne fait que trois jours que j’ai mal. Mais par la suite je ne ferais que deux sorties dont une fois 3 km et l’autre 7 km le tout dans la douleur. Ce qui fait que j’ai accumulé 13 kilomètres durant les 3 semaines précédent la compétition en ayant enfreins toutes les règles diététiques. La blessure ayant atteint mon moral je me suis vengé sur la nourriture et l’idée de renoncer au projet devient omniprésente mais je décide tout de même de tenter l’aventure à la lecture de vos nombreux messages et des encouragements de mes collègues et amis.

Avant de vous raconter la course proprement dite, j’ai envie de vous faire partager l’ensemble de notre aventure qui nous emmènera sur la ligne de départ.

 

Jeudi : La fiesta

 

Je pars de chez moi à midi avec un collègue. Nous faisons la route ensemble direction Saint Rémy. Un joli petit village vosgien près d’Epinal où visiblement il fait bon vivre sa retraite. Nous arrivons vers 19H30 chez P. et sa femme où nous retrouvons S. et C. Pour situer le niveau de mes petits camarades voici vite fait leur petit CV :
- J. a fait 3 marathons et vaut 3H15, mais son dernier marathon remonter à 1988.
- P. l’heureux retraité, celui qui nous accueille chez lui en a une quarantaine à son actif, plus quelques courses mythiques comme la CCC (il a d’ailleurs abandonné au 78ème km il y a un mois), la SaintéLyon, la 6000 D etc. Il vaut 3H50 je crois.
- S. ne fait que des semi et des marathons. Il valait 2H48 à son apogée mais avec le poids de l'âge et de son ventre il vaut à 4H00.
- C. 39 ans, 38 marathons, 2 UTMB, 1 Diagonale des Fous etc. Il a une hygiène de vie de malade et vaut pourtant 2H39. Pour ce marathon il n’a pu s’entraîner correctement et cela fait deux semaines qu’il est descendu à 2 séances hebdomadaires.
Pour la petite histoire, tout ce beau monde courre les 100 km de Millau.

Il est temps pour nous, à J-3 de fêter dignement nos retrouvailles. L’apéritif est dantesque comme la suite du reste. Mais madame P. nous a préparé des pâtes et nous mangeons comme des goinfres. La liqueur à la mirabelle viendra conclure un grand moment de convivialité. 4 bouteilles de bordeaux seront tout de même descendues. Pour ma part, je n’ai aucun scrupule puisque dans ma tête j’y vais pour vivre l’évènement et au moins prendre le départ bien que je sois très raisonnable au niveau de la boisson. On se couche aux alentours de minuit et demi un peu gais pour certains et convenons de partir le lendemain vers 8H00.

 

Vendredi matin

 

Malchance Tout ce petit monde se lève joyeusement à l’idée de partir en Allemagne. Le petit déjeuner est tout aussi copieux que le dîner de la veille. C’est qu’il sait recevoir notre ami retraité. On charge les affaires, on s’installe bien puis on achète les journaux pour occuper notre temps. C'est qu'on a de la place dans un Renault Espace rallongé. C'est tout simplement royal pour faire la route. C'est trop beau d'ailleurs, même un peu trop beau... Au bout de 35 km, sur la route de Strasbourg, le véhicule tombe en panne. J. connait bien la mécanique et est sceptique sur les suites à donner. On appelle le dépanneur que l’on attend 45 minutes. Il fait frais et on rigole finalement de la situation sauf J… Madame P, revient chercher une partie du groupe et on se retrouve chez le garage Renault du coin à attendre un diagnostic. L'heure est grave, le véhicule n'est pas réparable dans l'immédiat. Nous revenons à notre point de départ vers 11H00. Tout va bien et il faut vite activer le plan B. Il ne nous reste plus beaucoup de solutions si ce n’est que de prendre la « minuscule » Audi A3 de S. Du coup, on doit alléger nos bagages pour que tout tienne. On fait des sacrifices sur les affaires à prendre, les choix sont difficiles et nous prenons qu’un sac chacun au lieu des deux prévus. On se tasse, on est serré derrière mais nous voilà enfin parti. On a une petite pensée émue lorsque l’on passe devant l’endroit où nous sommes tombés en panne. Enfin nous voilà parti avec l’espoir de ne rien avoir oublié. J'oubliais, on ne peux plus lire les journaux faute de place

 

Vendredi après-midi : Ça va mieux

 

Il est déjà 13 heures (nous devrions déjà être loin à cette heure-çi) alors nous nous arrêtons dans la première boulangerie venue pour déjeuner. Sandwichs à volonté et pâtisseries pour nous récompenser de cette matinée tumultueuse. Bref nous parvenons à franchir le Rhin et nous faisons nos premières rencontres avec les bolides allemands qui roulent à des vitesses vertigineuses sur les autoroutes. On se croirait sur un circuit automobiles et notre conducteur doit faire preuve de bravoure lorsqu’il tente de déboîter. On ne voit que des Audi, Mercedes ou encore BMW. Bon l'avantage avec notre petite A3 c'est qu'on fait un peu plus local comme ça. Ça va vite sur ces autoroutes, enfin pas pour tout le monde car pour nous le voyage est compliqué tellement nous sommes serrés dans l’auto et on doit faire une pause toutes les 1H00 pour se détendre les jambes alors qu’il faut environ 8 heures de trajet. Chemin faisant, où sur pratiquement chaque aire de repos nous sommes surpris de voir des Magasins érotiques nous nous arrêtons dîner. Et là, pas grand chose de diététique. L’un préfère ne rien manger, moi je mange des pâtes en sauce avec des boulettes de viande tout comme C. Horrible ! Tandis que les deux autres mangent un plat avec des frites (sic) et des gâteaux en dessert. Alors évidemment je prends des photos, car je leur dit que personne ne me croira qu’à deux jours d’un marathon ils mangent des frites et de la viande en sauce.

Bon nous reprenons notre route et arrivons, enfin, à notre hôtel à 22H30 alors que nous aurions du arriver à 17H00. Tout est calme à Berlin. Nous avons loué 2 chambres, l’une de 2 et l’autre de 3. C’est un hôtel Mercure situé au bout de Friedrichstraße (là où se trouve le Check Point Charlie). En gros nous sommes à 15 mn à pied du départ. Les chambres sont spacieuses et magnifiques.

 

Samedi matin : Tourisme

 

Il y a la course de 5 km dite course des Nations Unies. Je ne vais pas y prendre part afin de me préserver. Alors je profite de cette matinée ensoleillée pour visiter le quartier où nous sommes. En fait c’est le plus historique de la ville avec le fameux Check Point Charlie, le bunker d’Hitler, la Porte de Brandebourg etc. Nous allons au village marathon non sans avoir assisté à la seconde mi-temps de France-Nouvelle Zélande.

Le Berlin-Vital a lieu dans un aéroport civil désaffecté qui a énormément servi durant la guerre froide. C’est grandiose et impressionnant à la fois. On arrive là où étaient situées les compagnies aériennes, on voit encore les tapis pour les bagages, les vieilles pendules… Le salon proprement dit a lieu là où se situaient les salles d’attente et d’embarquement des passagers. Puis sur le tarmac tout est là prêt pour ravitailler le coureur, saucisses, bretzel, pâtes etc. C’est deux fois plus grand qu’à Paris, mais aussi deux fois plus spacieux. C’est immense et déjà magique. Quand je dis que je suis Français au moment de retirer mon dossard, la femme ne me parle que de la beauté de Paris. J’en profite pour m’acheter mon tee-shirt estampillé Marathon de Berlin ainsi qu'une belle casquette également estampillée. Petite particularité et non des moindres il n’y a pas de tee-shirt offert. Pour un tel marathon avouez que c’est vraiment dommage. Bref on déambule comme des gamins là-dedans et je photographie sous tous les angles cet aéroport désuet mais qui a quelque chose de mystique. Évidemment on ressort avec des prospectus de partout qui fatalement finiront à la poubelle et des beaux sacs Adidas-BMW. Nous retournons poser notre paquetage à l’hôtel puis nous nous retrouvons tous à midi pour déjeuner. On découvre par hasard un restaurant italien qui propose des pâtes. La veille d’un marathon, c’est une bonne idée hihihi. Je suis le mouvement de mes collègues qui s’y connaissent rudement en diététique en prenant un demi de bière. Précision, le demi est égal à un demi-litre et non 75 cl. Je suis fou à vouloir les suivre, mais je me dis que ce peut-être un bon signe. Sincèrement je pense à mon dos qui me titille et me dis que si j’arrive à finir le marathon en ayant eu une telle hygiène de vie, je boirai dorénavant une bière la veille.

 

Samedi après-midi : Vive Berlin

 

Nous assistons à la course des rollers tandis que l'on sent déjà l’ambiance monter d’un cran tellement il y a de monde pour admirer. On a une approche de ce que sera l’arrivée à la porte de Brandebourg. Finalement et contre toute attente on décide de visiter la ville au lieu de se reposer. On prend le métro, on marche, on piétine, on fait les magasins, on visite, c’est fantastique. Les gens sont respectueux agréables, les commerçants sont souriants, la circulation est fluide et calme (comparé à Paris). Finalement on rentre vers 19H00 les bras chargés pour aller dîner avec déjà des souvenirs plein la tête.

On retourne au même restaurant manger des pâtes. Petite anecdote, nous prenons les plats de pâtes pour deux. Le serveur en ramène donc deux pour quatre (le dernier collègue a pris autre chose). Mais nous, nous voulons un plat chacun. Le serveur nous signale que ce n’est pas prévu et que c’est pour deux. Nous insistons et nous voilà avec une plâtrée de pâtes comme on n’avait jamais vu (assortiments). Dans le restaurant il n’y a que des marathoniens mais ils regardent, stupéfaits, notre plat. Finalement il n’y a que moi qui ne termine pas. Au niveau de la boisson, presque rien ne change, à part C. et moi, les trois autres prennent leur demi de bière. Il est 22 heures et nous regagnons nos chambres respectives.

 

Dimanche : La pression monte

 

Nous nous retrouvons au petit déjeuner à 5H45. Pas de gatosport cette fois. Mais ô suprise, il n’y a que des bonnes choses à manger. Mais rien de bien bon pour courir 42.195 km. On arrive toutefois à trouver du gâteau de riz et quelques fruits. Ouf l’honneur est sauf. La salle est remplie de sportifs de toutes les nationalités et il ne fallait par arriver plus tard sous peine de ne plus avoir de place. On remonte dans nos chambres pour se préparer tout en mettant l'ambiance dans l'ascenseur qui nous mène au 7ème étage. Notre chambre étant située au 8ème il faut finir par un escalier pour y arriver. Pas de soucis pour le moment, mais ces escaliers s'avèreront un calvaire dans l'après-midi. Tout va bien mais je suis toujours aussi inquiet quant à mon dos. Cela fait quelques jours que je ne ressens plus rien, mais pour la course c’est autre chose. D’ailleurs au moment de la photo on voit que je ne suis pas bien rassuré. On va tranquillement au départ tous les cinq en rigolant bien et en discutant avec les gens. Les rues sont désertes, il fait jour et beau et le trajet est ponctué de franches rigolades. On s’amuse comme des petits fous et on se dit déjà qu’on aurait pas du autant marcher la veille ni même manger et boire. On regrette... Non, on a bien fait finalement, ce n'est pas tous les jours que l'on vient ici. C’est agréable et c’est ça qui fait qu'un marathon c’est magique. La pression commence naturellement à monter mais je n’ai aucun stress. Sincèrement.

Arrivé sur place on sent les odeurs de saucisses. Il y a plein de stands pour manger avant de rejoindre les sas et ça sent rudement bon. En fait on est obligé de passer devant toutes ces stands. Il y a même, ou plutôt forcément de la bière. Tout est prévu pour le marathonien qui aurait oublié de prendre son petit déjeuner C’est dur de résister. Des toilettes mobiles sont installées tout au long des sas. Aucun souci pour les envies pressentes, tout est prévu, c’est ce qu’on appelle certainement la rigueur allemande. Ce qui est marrant, enfin pour moi, c’est qu’on ne comprend rien à ce que dit le speacker et pourtant il parle bien le bougre, mais je ne connais pas l’allemand. Je profite de ce bon moment qu’est l’avant départ pour me promener le long des sas, regarder les gens, leur tenue, leur attitude, enfin vivre pleinement le marathon de Berlin. Tout est coloré. Les gens se félicitent déjà d’être sur la ligne, on voit les ballons qui s’envolent et je filme la scène avec mon téléphone que j’ai pris sur moi pour que cette fête reste gravée. La musique nous signale que le départ est donné, tonnerre d’applaudissement, les hélicoptères nous survolent, l’avenue est large, très large, la porte de Brandebourg est derrière nous. Il nous faudra parcourir 42 km pour avoir l'honneur de passer dessous. Il y a de la place pour tout le monde et personne ne se bouscule. Les gens applaudissent, crient, chantent, on commence à marcher, puis à courir alors qu’il n’y a même pas 3 minutes que c’est parti. Voilà, on est y est, je range soigneusement mon téléphone et je commence moi aussi à courir.

 

Il va faire chaud

 

Je démarre doucement car je ne veux pas réveiller la blessure qui sommeille en moi alors je regarde tous ces coureurs qui s’élancent pour leur Everest qu’ils ont tant attendu et espéré. Mais que dire de cette foule imposante et bien présente comme annoncé. On m'avait prévenu : "Tu verras, les spectateurs te portent littéralement". Il parait qu’il faisait chaud sur les courses en France, et bien je vous rassure ici c’est pareil bien qu’étant plus situé à l’est je suppose qu’il devait faire un ou deux degrés de moins pas plus mais j’avoue que je me pose pas la question, alors je cours avec cet unique objectif en tête : passer sous la porte de Brandebourg qui me fascine tant elle est chargée d’histoire.

Tourisme acte II Je ressors quand même mon portable pour prendre en photo le monument qui s’offre à moi. La colonne de la victoire est magnifique alors que le premier kilomètre n’est même pas terminé. J’en profite pour faire des clichés de l’ambiance tout en me rappelant que je suis aussi là pour courir. Alors je me lance puisqu’il faut y aller, je range le matériel et pof, premier incident. L’éponge qui était solidement accrochée à mon cuissard tombe sans que je puisse la ramasser. Tant pis j’ai ma petite bouteille avec moi.

La douleur fait la grasse matinée Pour l’heure mes pensées ne vont que vers mon dos qui tarde quand même à se faire ressentir. Je crois que la douleur a du me rappeler à l’ordre vers le 3ème km mais je cours doucement pour éviter le coup de poignard que j’ai reçu durant mes trois dernières sorties. D’ailleurs les premiers kilomètres sont faits à 6’ de moyenne, mais quand vient le premier ravitaillement au 5ème kilomètre je décide de marcher et de prendre l’eau qu’on me propose et je ne suis pas peu fier de dire « danke » aux bénévoles. Mon sourire tombe vite quand je bois l’eau proposée. Quel goût affreux. En fait ils mettent le liquide dans une grande bassine puis remplissent les gobelets ainsi. Je ne suis pas sûr qu’au niveau de l’hygiène ce soit terrible. C’est à ça que je pense à ce moment-là, à l’hygiène comme si je n’avais pas autre chose à faire. J’en souris intérieurement car je la bois quand même cette eau insipide mais salvatrice. Pendant que j’y pense, tous les ravitaillements sont à droite, ce qui est quand même bien pratique quand on est plus trop lucide. Allez, je continue avec ma petite douleur et une autre pensée me vient à l’esprit : « Mais tu ne vois pas que tout le monde s’en fout de ton dos, les 39999 autres coureurs ont bien autre chose à gérer et s’il faut bien plus grave, alors ce n’est pas un petit Français qui va les apitoyer ». Ok, ok mais je m’inquiète tout de même car elle ne veut pas me lâcher la coquine alors j’attends mon heure, celle de l’abandon ? Non pour l’instant celle où elle va devenir intenable et que je devrais prendre une décision pour gérer la crise. Et puis je n’ai jamais abandonné sur une course. Alors j’essaie de penser à autre chose comme par exemple à vos messages qui me reviennent sans cesse. Je crois que ce sera une constante durant toute la course. Régulièrement je relis mentalement vos pensées que j’ai lues plusieurs fois avant de partir et j’ai moi aussi envie de vous envoyer un message à ce moment-là. « Ne vous inquiétez pas pour moi les amis, je vais le finir ce fichu marathon, rien que pour vous ». Il y a autre chose qui fait que je ne veux parler d’abandon, c’est qu’après il faut rejoindre l’hôtel alors que l’arrivée du marathon est si proche de mon lit…

 

Douleur, où es-tu ?

 

J’arrive au second ravitaillement avec une nette impression d’amélioration, je dirais que c’est même bizarre, on dirait que je n’ai plus mal. Cela m’inquiète encore plus lol, mais bon profitons de l’instant présent et ne nous emballons pas. Doucement, tout doucement. Je garde mon rythme de sénateur pour me diriger vers le 15ème kilomètre. Là aussi je prends mon temps pour me ravitailler, ça me permet de reposer mes petites jambes qui déjà donnent des signes de faiblesse. Même si on m’a répété à l’envie que j’avais fait du « jus », mes muscles se sont un peu endormis ces derniers temps et c’est là que je me dis que cela risque d’être long, très long. Mais quitte à avoir mal quelque part, je préfère que ce soit aux jambes car c’est normal. Et puis alors que je continue sous les ovations ininterrompues des gens je me fais la réflexion suivante : bon j’arrive au 20ème kilomètre, je ne suis quand même pas le seul à souffrir maintenant, ça va commencer à les titiller un peu les autres, il n’y a pas de raison. Quel égoïste je fais ! J’en vois certains marcher, c’est bien la preuve que je ne suis pas seul, et c’est ça qui me rassure, maintenant on entre presque dans le vif du sujet, les gens vont avoir mal tout comme moi, alors je dois arrêter de me plaindre et souffrir comme les autres. Alors oui je souffre, non pas du dos paradoxalement mes de mes jambes qui n'ont plus d'entraînement depuis 3 semaines jour pour jour. Elle me portent quand même jusqu’au semi où on se croirait au tour de France. La Goebenstraße se rétrécit et la foule nous envahie presque, c’est démentiel, irréel mais presque jouissif. Nous sommes des stars, tout comme les premiers qui sont passés avant nous, mais l’atmosphère est oppressante et la chaleur ajoute au décor tandis que des cloches suisses résonnent. Du coup je ne sais plus si je monte l’Alpe d’Huez en vélo où si je descends Kitzbühel en ski. Oui il fait chaud, mais je préfère ça à la pluie qu’ont eue les marathoniens de Berlin en 2010. Ce premier semi se fait en 2H13 et 28 secondes, mais qu’importe le temps, l’essentiel n’est pas là au contraire il faut avancer, la « Brandenburger Tor » m’attend et elle ne bougera pas, ça j’en suis sûr.

 

Une foule bigarrée

 

Je continue ma route et je pense à tous ces gens qui font des efforts vestimentaires comme ce Paco qui arbore fièrement son prénom et sa nationalité au dos de son tee-shirt. Il est mexicain et son maillot me rappelle celui que son équipe nationale portait lors de la dernière coupe de foot contre la France. Je le double et lui crie « Vamos Paco ». Il sourit et me fait un signe de la main. Il est en souffrance lui aussi tout comme cette femme qui finalement ne me quittera presque jamais et qui porte un drapeau japonais avec les noms de 4 victimes et la date du Tsunami. Il y a aussi une demoiselle qui tantôt cours tantôt marche à la Diniz. Elle avance bien en fait et reste devant moi quelques longues minutes. J’ai le temps d’admirer son déhanché qui me permet de voir que je suis encore bien lucide. Enfin sur ce point du moins. La foule continue à nous encourager comme jamais et je me tourne à droite et crie « Euskadi » quand je vois un spectateur avec son drapeau basque. Il me voit, me dit Go Sébastien. Il connaît mon prénom… C’est vrai que je suis Basque d’origine mais c’est vrai aussi qu’il est écrit sur mon dossard. Enfin tout ça pour dire que j’arrive doucement mais sûrement au ravito du 25ème. J’ai d’ailleurs mis plus de 6.50’ au dernier kilomètre pour y arriver. Je m’écroule petit à petit mais je tiens. Je prends mon gobelet réglementaire et je nage presque dans l’eau laissée sur le bord de la route par tous ces coureurs, puis on nous propose du thé froid ! Un nouveau produit à ajouter à la liste diététique du marathonien. Je ne sais quel effet cela peut avoir alors je tente ma chance et là quand tu repars tu regrettes ton geste. Tu cours dans les restes de thé des autres, tes baskets écrasent les verres et comme pour se venger, le thé reste collé à ton bien le plus précieux qui te permet d’avancer. Les ravitaillements ne sont pas terribles en fait. On a droit à de l’eau, du thé, des bananes et des pommes. Et pour digérer une banane lors d’un marathon il faut se lever de bonne heure. Avec mes collègues ont a été unanimes sur ce point, les ravitaillements à Berlin sont pitoyables malgré la bonne volonté et la bonne humeur des bénévoles. Mais là on nous avons été unanimes aussi c’est qu’il n’y a pas de bouchons devant les tables, tout se déroule parfaitement sans bousculade. Ah cette fameuse rigueur allemande, elle me plait bien moi...

Enfin, je continue mon chemin et j’avoue que je ne me rappelle pas de tout pour vous narrer au mieux la course, mais maintenant je me dis que les élites hommes et femmes sont arrivés, et qu’après ce sera au tour des 3H00 ce qui me rassure un peu puisque cela signifie que j’en ai fait une bonne partie mais cela ne m’empêche pas de mettre 10 mn de plus pour faire les 5 kilomètres qui me séparent du 30ème. Alors je me remémore toujours cette phrase : le marathon est un échauffement de 30 km et une course de 12.195 km. Mais après tout, c’est quoi 12.195 km ? Honnêtement, vous qui courrez tout le temps, c’est rien du tout, à peine une heure pour certains et un peu plus pour d’autres, mais ça va pas chercher bien loin tout ça. C’est ce que je me dis aussi et je compare cette dernière partie à une sortie normale en footing chez mes parents. Pourquoi mes parents ? Je n’en sais rien en fait car je m’entraîne rarement chez eux, mais c’est comme çà. Je pense à eux, à leurs routes de campagne où j’ai couru des centaines de fois 12.195 km quand j’étais encore chez eux. Alors je vais au charbon et je m’envole vers le 35ème. Euh, je veux dire que je cours avec deux gros boulets attachés à mes pieds, enfin c’est ce que je crois. C’est là que je m’arrête pour m’étirer un peu, tranquillement car mes cuisses me font atrocement mal. Les gens me crient Go Sébastien pourtant ils ne sont pas Basques. Je ne suis pas seul, ça marche un peu partout maintenant, alors je décide de marcher aussi, mais vite et dès que je peux je reprends car je sais que si je marche trop cela sera encore plus dur de courir. C’est curieux mais en fait je n’en ai pas marre au contraire, je me dis que je souffre certes et qu’il faut être bien fou pour se faire autant mal, mais que j’ai la chance de courir à Berlin. Je me le répète souvent durant la course « Je suis à Berlin, ce n’est pas n’importe où quand même, tu pourras le dire aux autres que tu l’as fait ». De fait je n’ai que des pensées positives alors que j’alterne toujours course et marche. Encore 5 kilomètres à ma montre… Non ce n’est pas possible, je passe sous le panneau 36. J’ai mal vu, il y a un souci. Ma montre affiche un kilomètre de plus, et là par contre je peux vous dire que ça fait mal psychologiquement. Fichue montre, pourquoi tu me fais ça à moi et aujourd’hui. Pour le coup je vis un calvaire, je n’arrive pas à me rapprocher du 40ème, j’ai l’impression que chaque kilomètre en Allemagne vaut 2 kilomètres en France, c’est interminable et les avenues sont longues.

 

Les routiers sont sympas

 

On dit que les routiers sont sympas, mais que dire des pompiers allemands, plusieurs fois ils sont là, perchés sur leurs gros camions à arroser un côté de la route pour nous rafraichir. Bravo les gars, en plus vous faites ça bien. Je vois aussi les secouristes qui ne chôment pas, ils ont l’air de faire un sacré travail après celui effectué pour la venue du Pape quelques jours plus tôt dans la capitale allemande.

 

La délivrance ?

 

Ca y est, il est là, c’est le 41ème… Qu’il est beau ce panneau qui l’annonce. Alors pour fêter ça, je sors mon photo aparat et prend la balise qui nous indique qu’il ne reste que 1.195 km à effectuer. Et j’entends de nouveau Sébastien mais de manière insistante. Je me retourne pour remercier la personne qui m’encourage dans mes derniers retranchements, mais non, c’est mon collègue S. qui en termine aussi. Incroyable, nous sommes presque 40000 et on se retrouve juste au 41ème kilomètre. Il me dit qu’il a marché durant 5 km alors que moi j’ai du marcher 2 km. Il me dit aussi qu’il faut qu’on finisse ensemble pour la photo (sic). Je l’approuve mais mes jambes ne veulent pas de sa compagnie. Je lui précise que je dois marcher pour finir en courant, il part seul et je retrouve de l’énergie quand je passe sous la flamme verte annonçant le dernier kilomètre. Elle est là, toute proche et si belle. L’imposante porte, le symbole de ce marathon s’offre à moi. Je filme ce dernier kilomètre en courant. Je ne rate rien, la foule, les coureurs devant, derrière, le passage sous la porte, l’écran géant etc. Il n’y a que les odeurs de saucisses que je ne peux restituer sur mon portable. Mais c’est fait je suis de nouveau en RFA. Je reçois ma belle médaille aux couleurs de l’Allemagne avec deux symboles. Sur une face la porte de Brandebourg sur l’autre le visage de Stephano Baldini champion olympique du marathon. Je n’ai qu’une pensée vous prévenir que j’ai fini. Mais j’ai pu voir que certains avez suivi ça de près et je vous en remercie. Je pense aussi à cette femme et son drapeau japonais que j'ai revu à plusieurs reprises. Elle a couru pour ses amis tombés le 11 mars 2011. Le miracle a bien eu lieu, j'ai pu terminer alors que mon docteur et mon kiné m'avaient dit que c'était folie de courir ne serait-ce 10 km avec un lumbago.

 

Après l’effort, le réconfort

 

C’est fait, j’ai finis ce marathon en allant au bout de moi-même. C’est le mental qui a pris le relais et m’a fait terminer. Je déambule dans le parc fermé et me fait prendre en photo devant le Reichstag où les marathoniens ont pris place sur la pelouse pour se détendre, c’est beau et émouvant en même temps. Je n'ai pas envie de m'assoir ou de m'allonger comme les autres, je veux en profiter encore et encore. On nous propose un sac de ravitaillement. Pas de quoi pavoiser non plus, une banane, des petits beurres (la diététique allemande c’est quelque chose) et une barre de céréales. Je ne trouve pas d’eau pour boire mais je n’ai pas soif. J’immortalise tous les moments de cet après-marathon. Les gens qui se congratulent, qui s’étirent ou qui se font masser etc. Je continue à marcher et me dirige vers la sortie. Et là, grosse surprise, le stand de bières nous attend. Un demi-litre pour nous récompenser, bizarrement j’ai soif. Je vois presque tout le monde en boire alors je suis le mouvement. Elle est sans alcool et il parait que c’est la bière des sportifs. Je succombe à la tradition et prends moi aussi cet autre symbole allemand qui nous est offert. Incroyable, un demi litre après un marathon. Ensuite je sors et me promène dans les rues de Berlin avec ma médaille autour du coup comme beaucoup de monde en fait. Je retrouve par hasard le parcours du marathon, et je vois encore des coureurs. Ce sont les 6H30. Et bien croyez moi si vous voulez, des spectateurs sont encore là pour les encourager et plus fort encore, les orchestres jouent toujours. Quelle classe quand même. Comme ils ne sont pas loin de l’arrivée, je leur montre la médaille qu’ils vont avoir et les encourage.

 

Le Bretzel c'est bon

 

Je continue ma petite promenade digestive durant deux heures dans les rues commerçantes et je ne vois que des marathoniens. Tout le monde se congratule on se félicite mutuellement. Je ne veux même pas rentrer à l’hôtel tellement je suis paisible et heureux. Je n’ai mal nulle part sauf aux cuisses, mais à la marche c’est supportable. Il est 16 heures et je vais à la douche non sans avoir mangé un Bretzel. Mes collègues m’attendent pour fêter ça. Ils sont rentrés il y a longtemps et sont prêts. Moi je n’aspire qu’à me laver et à m’allonger. Ils me donnent 15 mn pour être frais et dispo. Un quart d’heure après nous voilà parti pour une soirée d’anthologie avec bières à volonté (choppes d’un litre). C’est la fête dans Berlin. On boit, on mange, on rigole avec d’autres marathoniens. Le restaurant est bondé et il doit y avoir 95 % de coureurs. Beaucoup ont gardé leur médaille. Il est minuit, nous rentrons par le métro car on doit partir à 5H00. La nuit est courte, mais cela en valait la peine. Nous voilà reparti dans notre petite voiture mais avec les courbatures en plus. Les arrêts sont plus fréquents et il nous faut plus de temps pour sortir de cette voiture qui n’a pas de portes arrière.

S. le propriétaire de l’Audi et qui m’a rejoint au 41ème finit en 4H48, soit quelques secondes derrière moi alors qu’il est arrivé devant. Mais ce doit être au moment du départ qu’il a perdu du temps.

P. le retraité finit en 3H58 frais comme un gardon.

C. la star fini en 3 H 06 en jurant qu’on ne le reprendra plus à faire des javas avant un marathon.

J. le propriétaire du véhicule en panne abandonne au 15ème suite à une tendinite d’Achille. Pas de chance.

PS : Ce marathon je l’ai fini pour vous remercier de votre indéfectible soutien. Et ce récit n'est que ma modeste contribution à tous vos encouragements. Bien à vous

Barrieras, Sébastien (FRA)
Platz : 21791
Platzl: 4571 (in Altersklasse : M40)
Nettozeit : 04:47:57
Bruttozeit : 04:51:32
Halb 1 : 02:13:28
Halb 2 : 02:34:29
Zeit pro km : 06:49

Geschwindigkeit : 8.79 km/h

5 km: 00:30:24
10 km: 01:02:06
15 km: 01:34:11
20 km: 02:06:34
25 km: 02:39:10
30 km: 03:14:28
35 km: 03:49:24
40 km: 04:29:42


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